Loyers impayés, trêve hivernale : la loi anti-squat va doper les expulsions
Loi anti-squat : une loi qui ne remporte pas l’unanimité
La proposition de loi contre l’occupation illicite des logements, surnommée loi anti-squat, refait parler d’elle. De retour devant l’Assemblée nationale, elle a été adoptée en deuxième lecture par les députés le 4 avril dernier (385 voix pour, 147 voix contre, 8 abstentions).
Le texte, porté par la majorité présidentielle, est loin de remporter une complète adhésion. Il est soutenu par Renaissance, le Rassemblement National et les partis de droite, mais reste fortement décrié par la gauche. Dans la rue, la loi anti-squat divise tout autant. Les Français disposant d’une activité d’investisseur locatif se sentent mieux soutenus, tandis que les associations de lutte contre le mal-logement s’insurgent avec férocité.
Ce second vote à l’Assemblée nationale ne signifie pas que la loi va nécessairement entrer en vigueur. La navette continue. Il revient désormais aux sénateurs d’examiner le texte une deuxième fois. Les parlementaires devront ensuite trouver un terrain d’entente pour aboutir à une conciliation.
À savoirLes étapes législatives de la loi anti-squat :
- 18 octobre 2022 : dépôt de la proposition de loi à l’Assemblée nationale par le député Guillaume Kasbarian (Renaissance) ;
- 2 décembre 2022 : adoption de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, en première lecture avec modifications ;
- 2 février 2023 : adoption de la proposition de loi au Sénat, en première lecture avec modifications ;
- 4 avril 2023 : adoption de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture avec modifications.
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Ce que contient la loi : les squatteurs punis plus sévèrement
La proposition de loi sur la protection des logements contre l’occupation illicite prévoit d’alourdir les sanctions contre les squatteurs.
Ainsi, en cas de délit de violation de domicile (squat d’un logement), la condamnation encourue passerait à 45 000 € d’amende et à 3 ans de prison. Aujourd’hui, la peine est de 15 000 € d’amende et de 1 an de prison. En outre, le texte étend la notion de violation de domicile. Sont pris en compte les logements occupés et les logements inoccupés contenant du mobilier.
Apparition d’un nouveau délit
La mesure va encore plus loin et considère également le squat de locaux. Serait ainsi introduit un tout nouveau délit : occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel. Pour cette infraction, il faudrait compter sur une amende de 30 000 € et sur 2 ans de prison. Initialement, les députés avaient voté en première lecture des sanctions plus lourdes. Elles ont été amoindries lors du passage de la proposition de loi au Sénat.
Il est à noter que ce nouveau délit concernerait aussi un autre public : les locataires expulsés pour motif de loyers impayés (jugement prononcé), mais qui continuent à occuper le logement illégalement. Ces locataires-là seraient assujettis à une amende de 7 500 €.
Les autres amendements adoptés
Dans le chemin de navette qu’elle effectue, la proposition de loi anti-squat a été plusieurs fois remaniée par les parlementaires. Voici les amendements qui sont actuellement adoptés :
- Exonération de l’obligation d’entretien d’un propriétaire lorsque son logement est squatté (exception faite des marchands de sommeil) ;
- Application d’une peine de 45 000 € d’amende et de 3 ans de prison pour les instigateurs de squats (fraudeurs se faisant passer pour des propriétaires de logements) ;
- Sanction de 3 750 € d’amende pour toute « propagande ou publicité » invitant à du squat ;
- Poursuite du dispositif expérimental de la loi Elan (2018) : les propriétaires-bailleurs attendant de réhabiliter ou vendre leur logement sont autorisés à confier ponctuellement leur bien vacant pour du logement social ou de l’insertion sociale.
Les locataires mauvais payeurs sur la sellette
Souhaitant prémunir les propriétaires-bailleurs, le second volet de la loi anti-squat se concentre sur les locataires mauvais payeurs. Ainsi, le texte entend insérer systématiquement au sein des contrats de location une clause de résiliation automatique dans le cas de loyers impayés.
Cette clause de résiliation automatique a suscité de nombreux débats auprès des parlementaires. Elle a été réajustée par les sénateurs, puis à nouveau par les députés. Telle qu’adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, cette clause pourrait être suspendue par le juge. Il pourrait l’interrompre d’office ou à la demande du propriétaire ou du locataire. Pour que la suspension soit considérée, le locataire doit se démontrer en mesure de rembourser sa dette locative. Comme l’institue la proposition de loi, le locataire doit avoir « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ». En cas de retard de règlement de la dette locative ou « dès le premier impayé » suivant, la suspension de la clause s’achève.
Enfin, pour les procédures contentieuses dans le cas de loyers impayés, le texte écourte certains délais de traitement. Notamment pour les locataires de mauvaise foi.
Fin de la trêve hivernale 2023 : vers une explosion des expulsions ?
S’étendant du 1er novembre au 31 mars, la trêve hivernale empêche un investisseur locatif d’expulser son locataire. Si ce dernier accumule les loyers impayés au cours de cette période, il est protégé par la loi française. Le propriétaire-bailleur n’a aucun autre choix que de prendre son mal en patience et attendre le 1er avril pour entamer une procédure d’éviction.
Un investisseur locatif n’est pas autorisé à déterminer seul l’expulsion de son locataire. Il doit conduire une procédure judiciaire très précise dans ses modalités. Après considération de la situation, le juge peut prononcer le recouvrement de la dette locative (saisie sur compte bancaire, salaire, les meubles, … ), la résiliation du bail et l’éviction du locataire.
Quoi qu’il en soit, la décision du juge donne naissance à un titre exécutoire signifié par huissier de justice. L’intervention de la force publique peut alors s’opérer.
Location : plus de 10 000 expulsions par an
Le procédure d’éviction d’un locataire tient d’un véritable parcours du combattant. Les expulsions annuelles sont en finalité assez peu courantes comparées au nombre de locataires dans l’Hexagone. Ainsi, 16 700 locataires ont été expulsés en 2019 contre 8 000 en 2020 (crise du Covid) et 12 000 en 2021. Le ministère de l’Intérieur n’a pas encore publié les chiffres pour l’année 2022.
Quid de la trêve hivernale et de la loi anti-squat ?
Telle que votée en deuxième lecture par les députés, la loi anti-squat prévoit de respecter la trêve hivernale pour les locataires mauvais payeurs. Par contre, les squatteurs reconnus en délit de violation de domicile ne sont pas concernés par la trêve hivernale. Qu’importe la période de l’année, ils peuvent être expulsés à tout moment par les forces de l’ordre du logement ou du local qu’ils occupent frauduleusement.
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