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Ne plus construire sur sols naturels : le défi des promoteurs immobiliers

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Inscrit dans la loi Climat et résilience de 2021, l'objectif "zéro artificialisation nette" met les constructeurs immobiliers à rude épreuve. En 2050, ils ne pourront plus bâtir sur le moindre sol naturel. Et jusque là, tous les 10 ans, ils doivent réduire par deux leurs constructions sur des terres agricoles. Comment relèvent-ils ce défi d'envergure ? Prise de pouls auprès des professionnels.
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« Zéro artificialisation nette » : une ambition contraignante

Drastique, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 impose aux collectivités françaises de ne plus consommer ni artificialiser d’espaces naturels. Le double objectif est conséquent :

  • Diminuer de 50 % tous les 10 ans le grignotage des zones agricoles, forestières et naturelles ;
  • Parvenir en 2050 au zéro artificialisation nette (ZAN).

Très contraignante, cette ambition réglementaire vise surtout à protéger l’environnement, ses terres fertiles et la biodiversité qu’ils accueillent. L’artificialisation des sols leur est très néfaste et possède un impact direct sur la détérioration du climat.

Qu’est-ce que l’artificialisation d’un sol ?

L’artificialisation d’un sol consiste à transformer et aménager une terre agricole, forestière ou naturelle. Pour y parvenir, des opérations sont effectuées sur le sol afin de l’imperméabiliser totalement ou partiellement. Le but étant de pouvoir ensuite dédier le terrain à des fonctions urbaines, résidentielles ou de transports : activités diverses, commerces, équipements publics, infrastructures, habitat, …

Si les territoires français semblent encore détenir de nombreuses et vastes zones naturelles, elles se réduisent comme peau de chagrin à mesure que la bétonisation s’étale. Et ce, même dans les départements qui n’attestent d’aucune progression en termes d’administrés et d’emplois. Dans l’Hexagone, « entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année. Cette artificialisation augmente presque 4 fois plus vite que la population et a des répercussions directes sur la qualité de vie des citoyens, mais aussi sur l’environnement« , prévient le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Un changement de modèle délicat pour les promoteurs

Historiquement, le modèle économique des promoteurs immobiliers repose sur l’achat de terres nues, vides et non artificialisées. Des constructions sont ensuite édifiées dessus et elles sont revendues. Ainsi, l’objectif ZAN de 2050 oblige les bâtisseurs à complètement repenser leur métier. « C’est un changement de modèle qui n’est pas forcément serein« , dévoile à l’AFP Vincent Le Rouzic, directeur des études de la Fabrique de la Cité (laboratoire d’idées du groupe Vinci).

Pour autant, Vinci Immobilier (filiale du géant du BTP) a souhaité prendre le taureau par les cornes et s’exposer frontalement aux évolutions attendues. Pionnier, le groupe s’est personnellement imposé 2 objectifs : que la moitié de son chiffre d’affaires soit réalisé dans le recyclage urbain d’ici 2030 et que soit atteinte l’ambition ZAN pour l’année 2030. Soit 20 ans avant l’échéance introduite par la loi Climat et résilience.

Pour y parvenir, Vinci Immobilier n’hésite pas à refuser désormais les projets impliquant une trop grande artificialisation en fonction de la surface à bâtir. « Typiquement, un lotissement avec des maisons individuelles, des routes, etc. Ça, c’est quelque chose qu’on a vraiment banni. On construit beaucoup plus, aujourd’hui, sur des zones qui sont déjà artificialisées, on va chercher ce type de terrain. Et quand il faut, on désartificialise », explique Olivier de la Roussière, PDG de Vinci Immobilier, à l’AFP.

Désartificialiser, dépolluer, démolir : des coûts non négligeables

L’ambition ZAN 2050 engendre des conséquences immédiates sur l’équilibre économique des promoteurs immobiliers. Cibler de nouveaux terrains pour poursuivre leurs opérations n’est pas tâche aisée. « Avec la rareté du foncier, ce sont parfois des équations qui sont compliquées à trouver. D’autant qu’on est dans une augmentation très forte, depuis 2 ans, du coût des matériaux« , apprend à l’AFP Caroline Delgado-Rodoz, directrice générale Grands projets chez OGIC.

Pour dénicher du foncier sur lequel bâtir plus responsablement, les promoteurs misent de plus en plus sur les friches (commerciales, industrielles, résidentielles, …). Elles offrent des opportunités certaines aux constructeurs mais doivent être « traitées » avant de pouvoir opérer dessus. Ainsi, en ce sens, Vinci Immobilier a du se doter d’un spécialiste en dépollution pour agir sur les friches mises en travaux. La filiale précise même accréditer plus de budget à chaque chantier afin de prévenir tout aléa coûteux. « Un site pollué coûte de l’argent, un site à démolir aussi. Ce sont des études beaucoup plus poussées. Il y a un gros travail pour vérifier les coûts de tout ce qui est réhabilitation, dépollution, désamiantage, … », explique Olivier de la Roussière.

Le PDG de Vinci Immobilier croit fermement au potentiel des anciens immeubles de bureaux. En raison de leur distance avec les centres urbains et de l’émergence du télétravail, nombreux sont tombés en obsolescence. « Il y aura des friches de bureaux comme il y a eu des friches de casernes, comme il y aura des friches commerciales, etc. Il y a plein de raisons pour lesquelles on peut avoir des friches », espère-t-il.

Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France (Fédération des Promoteurs Immobiliers), confirme ce nouvel intérêt des constructeurs pour les immeubles laissés en désuétude : « Oui, les immeubles obsolètes commencent à intéresser, surtout en Île-de-France, il commence à y avoir une compétition. Quand on reprend ces vieilles structures, elles sont souvent entre 20 % et 35 % plus chères que le neuf ».

Maitriser la densité

Dans un contexte où les programmes neufs sont souvent décriés par des riverains réfractaires, le zéro artificialisation nette engendre de nouvelles contraintes vis-à-vis des habitants. « Avec la question du ZAN, ce qui arrive, c’est aussi l’acceptabilité de la hauteur et de la densité dans les îlots. On ne veut pas faire de hauteur, on veut aussi de la nature en ville… Mais le foncier étant ce qu’il est, on doit parfois faire de la densité pour créer en ville de l’aération, et c’est tout cet équilibre-là qu’il faut trouver », indique Caroline Delgado-Rodoz de OGIC.

Benoit Fragu, directeur du développement au sein de la foncière Covivio, rajoute à cet effet :« Quand vous arrivez sur un territoire, vous ne pouvez pas arriver avec un projet qui ne présente pas des atouts pour l’environnement, pour les riverains. Vous êtes obligés de proposer aux gens un projet qui va être acceptable. Le projet où vous allez bétonner la ville, c’est terminé », conclut-il.

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